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Vous n'êtes pas seul.

Le cri de l'homme adulte qui sort des ténèbres permet à l'enfant en lui de trouver la lumière.

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Retrouvez, l'enfant en vous!

Lettre de Kevin et Charlie

Salut à tous Charlie a 14 ans, presque 15 et Kevin a 16 ans. On nous a demandé d’écrire cette lettre à ceux qui ont à peu prêt notre âge.

 

Cette lettre parle d’un sujet qui fait peur, les agressions sexuelles sur les enfants, vous pensez si on connaît ! Ce n’est jamais facile d’en parler mais cela arrive aux garçons, tout le temps. Vous pensez peut être que l’agression sexuelle ça arrive seulement aux filles, que ça n’a aucun rapport avec vos amis ou vous-mêmes. Peut être même est-ce que vous pensez : « je ne pourrez jamais subir ça ». C’est ce que pensent de nombreux garçons. Mais si vous pouviez nous voir, vous verriez deux mecs ordinaires comme vous. Kevin adore le football américain et joue de la guitare. Charlie, lui, aime faire du skateboard et écrire. Nous faisons des blagues et des conneries comme tout le monde. L’agression sexuelle, ça ne se voit pas de l’extérieur, mais cela nous est arrivé et c’est pour ça qu’on vous en parle en écrivant cette lettre. Beaucoup de mecs ont du mal à croire qu’ils peuvent être victimes de quelque chose mais l’agression sexuelle c’est un crime et les garçons en sont aussi les victimes. Regardez le mec assis à votre gauche. Maintenant regardez celui assis à votre droite. Vous pouvez penser que c’est un jeu, mais faites le quand même ok ? Maintenant regardez le garçon assis devant vous. Juste pendant une seconde. Il y a une très forte probabilité pour que l’un d’eux ait été abusé. Peut être une fois, peut être plusieurs fois, peut être qu’il pense que ce n’est rien, peut être qu’il a trop peur pour en parler. Imaginez que vous sortez avec 5 de vos potes. Les statistiques disent que l’une d’entre vous a pu être abusé avant l’âge de 16 ans. Ca fait beaucoup d’entre nous ! Alors si cela vous est arrivé, n’oubliez pas : vous n’êtes pas seuls ! Si l’un de vos amis est agressé et que vous devinez ce qui se passe, ne le rejetez pas. Ce n’est pas de sa faute et il n’a pas demandé à se faire agresser. Il a probablement très peur et se sent sans doute très seul. Si c’est votre ami, alors restez à ses côtés. Ne dites jamais « je ne te crois pas » ou « oublie tout ça ». Au contraire dites lui « ce n’est pas de ta faute et je suis là pour toi si tu veux en parler ». Ce n’est jamais là faute des enfants quand quelqu’un de plus grand les force ou les manipule pour faire des trucs. Et là nous ne parlons pas seulement des agressions sexuelles. Tous les mauvais sentiments que l’on a sur soi et les autres problèmes qui sont associés aux agressions sexuelles ça aussi ce n’est pas de votre faute. Parfois c’est difficile à croire et nous avons tous les deux encore du mal à le croire, mais c’est important : ce n’est jamais votre faute.

 

 

Nous savons que beaucoup d’entre vous, les mecs, vont glousser et chuchoter pendant la lecture de cette lettre mais réfléchissez à cela : l’agression sexuelle n’a rien à voir avec l’amour ou au fait « de le faire ». Si nous parlions et que d’un seul coup je me mettais à vous tabasser, est-ce que ça serait une discussion ? Si nous étions dans une cuisine et que je vous fracassais la tête avec une poêle est-ce que je vous apprendrais à faire la cuisine ? Bien sûr que non ! L’agression sexuelle se définit par le pouvoir, la violence et le contrôle. C’est comme si on disait à un enfant : « Maintenant tu n’as plus le droit d’être un enfant, tu es juste un corps. Comme tu ne peux pas m’arrêter, et bien je vais juste me servir ». L’abus c’est une question de pouvoir. Quelles sont les pires conséquences de l’agression sexuelle ? Pour moi, Charlie, c’est le sentiment de solitude. C’est comme si on regardait le monde de l’extérieur, se sentir différent et pensez que vous êtes étiquetés d’une certaine façon. C’est aussi passer à côté d’être un ado et d’avoir à gérer des trucs d’adultes et de prendre des décisions d’adultes. Quand on vous a agressé ou que vous continuez à être agressé, plus rien de parait sécurisant ou intime. Je pensais que mon corps appartenait à d’autres. Je me sentais pris au piège, j’avais peur parce que si on ne se sent pas en sécurité dans son propre corps où peut on aller ? Pour moi, Kevin, le plus difficile c’est les émotions liées à toute cette expérience. Je ne me sens pas en sécurité dans ma propre chambre et j’ai peur dans le noir. Je déteste quand quelqu’un me touche et si je ne me suis pas préparé au toucher, je me sens mal, comme si j’allais vomir. Aucune chance que j’aille dans une pièce seul avec un adulte. Je pleure ou je commence à trembler sans raison, même en classe. Je ne m’aime pas beaucoup et si quelque chose de sympa m’arrive (comme quand j’ai un A+ en anglais ou quand je marque un point pour mon équipe qui nous fait gagner le match) , je regarde quand même les autres garçons en espérant être à leur place. Ce que nous essayons de dire là c’est qu’une des choses que l’on affronte avec l’agression sexuelle c’est le sentiment que toute votre vie est en l’air et que vous êtes en miettes. Mais en fait ce n’est pas vrai car tout va aller bien. Toutes les saloperies viennent de l’agresseur avec tous ses mensonges et ses manipulations. Un autre truc, c’est de se sentir coupable ou mauvais. Vous n’arrêtez pas de penser à l’agression, à ce que vous auriez pu faire. « Je suis un mec et j’aurais dû dire non ». Nous pouvons tous les deux témoigner que ce n’est pas aussi simple que ça. Ca arrive trop vite. Vous ne pouvez tout simplement pas croire que c’est en train de vous arriver. Vous êtes en pleine confusion, vous avez peur, vous restez cloué sur place, vous paniquez et vous avez l’impression que vous n’avez pas le choix. Peut être aussi que ça arrive depuis si longtemps que c’est devenu « normal » parce que vous n’avez rien connu d’autre. Les agresseurs ont un million de mensonges et de moyens de manipulation pour

 

accentuer la confusion. Vous les croyez parce qu’ils expliquent pourquoi ça vous arrive : « c’est notre petit secret » , « d’autres mecs le font », « les pères font ça à leurs fils tout le temps », « tu es spécial pour moi ». Ou bien on vous menace : « si tu le dis, on te foutra dehors », « si les gens l’apprennent, c’est à toi qu’on s’en prendra ». Tout ça c’est des mensonges : vous n’êtes pas responsable de l’agression, c’est l’agresseur qui est responsable ! Bon maintenant si on abuse de vous que faire ? La première chose à savoir c’est que ça ne s’arrêtera pas tant que vous ne ferez pas quelque chose. La plupart des agressions sont perpétrées par des personnes que les enfants connaissent, un membre de la famille ou quelqu’un que vous voyez beaucoup. Ce n’est pas facile quand vous devez constamment vous retrouver en face de l’agresseur. La plupart du temps, un mec qui est agressé devient désespéré par étape. On ne voit pas comme tout part en morceaux et on essaie tout un tas de trucs pour gérer la situation comme les drogues, l’automutilation ou la fugue par exemple. Rien de tout cela ne peut vous aider, ça nous le savons ok ? Les drogues ça vous amène à un autre type de souffrances et les fugues ce n’est pas aussi cool que ça en a l’air dans les films. Nous en avons tous les deux fait l’expérience. Posez-vous la question : si je réagis comme ça, est-ce que ça ira mieux pour moi après ? La réponse est non, plus la peine d’y penser donc ! Votre sécurité et votre santé sont importantes ! Chaque gosse sait que d’avoir à faire avec les adultes c’est pas simple. Pour un garçon à qui on a fait du mal, c’est encore plus difficile de faire confiance à un adulte. Vous avez l’impression de n’avoir personne à qui parler. Mais parfois, il faut être courageux et demander de l’aide. Parlez-en à votre meilleur ami ou à un adulte en qui vous avez confiance. Si l’agresseur est un membre de votre famille vous pouvez parler à un professeur, à une infirmière scolaire ou alors vous pouvez téléphoner au 119, la ligne pour les enfants maltraités. Ils vous aideront à vous mettre en sécurité. En parler à quelqu’un, c’est peut la chose la plus effrayante que vous ferez jamais mais vous pouvez faire en sorte que les abus s’arrêtent. Pour moi, Kevin, le problème c’est que j’avais très peur. Je n’en ai parlé à personne jusqu’à ce que la situation empire tellement que je pensais que j’allais mourir. J’ai fini par en parler à mon père en le réveillant au milieu de la nuit et en lui donnant une lettre où j’avais tout expliqué. Moi, Charlie, j’ai essaie de faire savoir aux adultes ce qui se passait en faisant des conneries et en me mettant dans de mauvais plans. J’avais le sentiment que les adultes ne voulaient pas voir ou croire ce qui se passait. Les personnes autour de moi n’ont compris ce qui m’arrivait que lorsque j’ai fini en chirurgie aux urgences de l’hôpital. Il y a différentes façons de dévoiler les agressions sexuelles. Une lettre c’est une bonne idée si vous n’arrivez pas à parler. Si vous en parlez à quelqu’un en qui vous avez

 

confiance alors cette personne est à vos côtés et vous aidera. Des adultes vous croiront : un enfant qui est abusé pense toujours qu’on ne le croira pas mais ça c’est encore un mensonge de l’agresseur. Si vous tombez sur quelqu’un qui ne veut pas vous écouter, continuez d’essayer jusqu’à ce que vous trouviez un adulte qui le fasse. Ne mettez pas votre vie en danger. C’est votre corps et vous pouvez faire en sorte que ça s’arrête. Ce n’est pas facile d’écrire cette lettre. Nous avons tous les deux été agressés, blessés et devoir gérer ça, c’est dur. Ce n’est pas facile de recommencer à zéro, réapprendre à vivre et se comporter comme un ado normal, faire confiance à nouveau aux adultes. Nous avons beaucoup de questions mais il n’y a pas de réponses toutes faites. La plupart du temps, nous sommes plein de confusion et mélangés. Ce qui nous est arrivé n’a aucun sens. Nous sommes juste des gosses et ce n’est pas juste. Que pouvons nous faire pour que cela ne se reproduise pas sur d’autres garçons ? Parler c’est déjà un moyen. Les agresseurs essaient de faire en sorte que nous nous sentions embarrassés, sales, seuls et terrifiés. Ils ne pourront pas gagner si nous commençons à en parler entre nous. Connaître les faits nous rend plus forts et c’est ensuite plus facile de parler et de dire « non, mon corps m’appartient ! » Alors si quelque chose nous arrive ou arrive à l’un de nos amis nous aurons le courage d’en parler à quelqu’un et de ne pas laisser les agressions continuer pendant des années et des années comme cela s’est passé pour nous. Nous avons tous besoin l’un de l’autre. Il nous faut en parler et nous battre les uns pour les autres. Merci de votre attention Kevin et Charlie

 

Traduit le 3 Juin 2005 par Caroline Benamza